Alter Ego – Note d'intention du scénariste

---

Alter Ego cherche à renouer avec la tradition du cinéma politique non partisan des années 70. Dans un contexte modernisé et revu à la lumière des évènements de ce début de XXIème siècle, le récit, complexe et elliptique, intègre le suspense du thriller d'espionnage, la dynamique de l'action et le réalisme social tout en épousant la ligne du cinéma d'auteur.

Par conséquent, il ne faudrait pas considérer Alter Ego comme un film d’action, pas plus qu’il ne faudrait considérer la violence qui y est exprimée comme une provocation triviale. A l'instar de ce qui se fait dans le cinéma asiatique, les séquences d'actions de cette histoire sont avant tout des points où s’articulent les enchaînements et les revers de situations psychologiques de l’ensemble des personnages.

Alter Ego n’est pas qu’une histoire de vengeance ou de justice. C’est aussi une histoire d’amours : amours déchirés pour Zeger et Max, amour inaccessible pour l’énigmatique et austère Chloé, amour pervers et dominateur pour Eurydice et Bonheur, amour anéanti pour Iris et Ricardo… Cette somme d’amours, si différents et tous voués à une éternelle fissure, se retrouve en filigrane d’un bout à l’autre du récit. Le décalage constant entre le vécu des personnages et les normes de leur milieu social, enferme chaque amour dans un tissu de souffrances mêlées d’extase. Dès lors, les héros alternent entre l’ombre et la lumière sur un chemin pavé de douleurs permanentes et de joies éphémères.

Ainsi, la violence agit comme un fouet qui nous ramène à la réalité d’un monde corrompu où les sentiments n’ont pas de place : seule compte la lutte pour le pouvoir à tout prix, toute éthique se voyant reléguée à l’oubli. La démocratie fondatrice de droits et de justice périra si rien n’est fait, si personne ne reprend le flambeau pour agir, tel est le crédo énoncé par François Zeger de la DST…

Cette fiction qu’est Alter Ego relate un épisode dramatique de l’histoire de l’Europe et de la France qui, pour demeurer réaliste dans son sens et sa construction, ne cédera pas à la facilité du happy end. Cependant elle nous enseignera, d’une manière didactique et démonstrative, que la justice effectue tôt ou tard un retour sur elle-même et que les leçons de l’histoire ne sont pas vaines pour qui porte en son cœur, d’une manière ou d’une autre, le sens des valeurs fondatrices de nos libertés et de notre humanité.

La référence au cinéaste japonais Takeshi Kitano répond à deux affinités distinctes et complémentaires. Pour le réalisateur, il s’agit d’un choix quant à un style et à divers modes de tournage, mais il en parlera mieux que moi… Pour le scénariste que je suis, il est question de restituer, dans un contexte proche de ce cinéaste avéré, l’essence de héros obéissant à une psychologie droite et infaillible qui interdit de baisser les bras quand la justice est à l’ordre du jour et qui met en avant la passion, fut-elle désespérée, comme moteur de décisions et d’actions.

Au sein de cet îlot de réalité patchwork réunissant divers champs du possible, l’être humain apparaît donc en proie à ses passions les plus extrêmes. Dans la nuit épaisse et glauque des profondeurs énigmatiques de son âme, il recherche l’étincelle qui éclairera son chemin pour entreprendre une remontée vers le jour, ayant acquis, dans le même temps, la certitude que ce qui devait être fait l’a bien été.

Ainsi, Alter Ego est indirectement dédié à la beauté et à la grandeur de l’humain.