Note d'intention du co-réalisateur Jérémy Ferhadian
Ce film est le fruit d'une collaboration entre Rémy Dumont et moi-même, tous deux réalisateurs de ce projet. Ainsi, chacun de nous y a intégré des thématiques et des messages personnels.
J'ai contacté Rémy Dumont avec une idée en tête: cette idée s'est transformée et a abouti à la réalisation de ce court métrage intitulé " La Parenthèse ".
Durant cette mutation, certains thèmes sont demeurés, le principal étant celui de la passivité d'un homme vis-à-vis de son environnement. Le personnage est en effet entièrement absorbé par la tragique nouvelle qu'il apprend au début du film. Il marche, marche, marche… sans porter attention à ce qui l'entoure. Ajoutons que la majeure partie du film se déroule entièrement dans son esprit; cette relation entre ses pensées et leur influence sur la perception de son environnement est centrale. Ce rapport me tient à cœur, du fait de mon affection vis-à-vis des personnages torturés, mal à l'aise : ils sont plus complexes et je les trouve donc plus intéressants à décrire.
Le second thème éminemment important du court-métrage est celui du deuil. Durant les mois d'écriture et de réflexion, je pensais beaucoup à un film qui m'avait marqué: The Fountain, de Darren Aronofsky. Ce film, très symbolique, traite de l'amour et de l'acceptation de la mort de l'être aimé, en présentant trois séquences se déroulant dans plusieurs mondes différents, dont une, vraisemblablement, dans l'inconscient du personnage principal.
Les similarités avec " La Parenthèse " sont très claires: un personnage apprend à accepter la mort d'un être cher par un voyage intérieur dans son inconscient. Je voulais traiter de cet aspect essentiel de la vie: la mort est une étape mystérieuse, un basculement dans l'inconnu, qui déchaîne des réflexions et des passions. Accepter cet état est l'une des plus dures épreuves que nous impose la vie et réaliser un film sur cette épreuve me plaisait donc.
Enfin, la dernière thématique, très importante, est celle de la liberté. A l'époque de l'écriture du film, j'étais en Terminale Littéraire et étais donc perpétuellement plongé dans la philosophie. Je me suis donc ouvert à beaucoup de questions, notamment celles-ci: le libre-arbitre existe-t-il ? Qu'est-ce qui fait notre liberté ? Ne suis-je pas défini par quelque chose ?, etc. Il faut noter que ces questionnements sur la liberté m'ont toujours intéressé, notamment par le biais des jeux vidéos et des films qui nous interrogent sur ce thème, central dans la philosophie. Étant de conviction plutôt sartrienne, tout comme Rémy, nous avons décidé d'intégrer ce questionnement par le biais du jeu d'échec: même si le pion, par son nom et sa prétendue faiblesse, n'est pas libre, il l'est plus que le roi, seule pièce qui ne peut mourir et qui est ainsi limité dans ses déplacements (sous peine d'être échec), son importance le rendant donc «prisonnier» (on peut par ailleurs y voir une critique sociale, mais je laisserai Rémy Dumont s'exprimer là-dessus si toutefois il le souhaite). L'élu est ainsi un pion, qui, même s'il doit fatalement mourir, est libre de choisir comment il vivra sa vie, n'étant pas déterminé par quoi que ce soit. Cette question de la liberté est rappelée au moment de l'accident: être en vie, c'est aussi être libre.
Ce film est ma première co-réalisation avec un réalisateur et scénariste expérimenté.
Si j'ai voulu faire ce film, c'est d'abord pour me lancer dans cette expérience, qui fut très enrichissante !
C'est aussi pour réaliser un film qui porte un message, (plutôt positif par rapport à mon idée de base) ! « La Parenthèse » est un court-métrage réfléchi, symbolique, qui, je l'espère, touchera le spectateur !
-----------------------------
Note d'intention du co-réalisateur Rémy Dumont
Le court métrage intitulé "La parenthèse" résulte d'une réflexion et d'une mise en œuvre autour d'une convergence de concepts communs au co-réalisateur Jérémy Ferhadian et à moi-même.
Le plus notoire de ces concepts pourrait se définir par un partage de vues sartriennes eu égard à la perception du sens ou du non sens de l'existence en fonction des contextes. Quoi de plus logique en conséquence que nous nous soyons tournés au départ vers l'idée diffuse d'un évènement propre à perturber la conscience du personnage central de ce court métrage et que nous avons par ailleurs désigné comme l'élu ?
Nous étions parti pour une affaire ayant trait aux profondeurs de la conscience et à toute la charge de contradictions et de paradoxes dont est construite cette dernière.
Pour Jérémy, il était question d'un deuil et de la résolution de celui ci.
Pour ma part, les conditions requises pour atteindre cet objectif faisait appel au chamanisme tel que je le conçois et l'expose dans mon essai intitulé "Chamanisme spiritualité et modernité".
Les chamans des civilisations les plus anciennes maîtrisaient un art de guérir les esprits souffrants bien autrement et bien plus sûrement que tous les psychiatres qui sévissent de nos jours avec leur cohorte de drogues légales et cependant tout autant nocives destinées à rétablir l'ordre plutôt que la santé.
L'investissement du chaman ne comportait nulle connotation de nature politique, idéologique ou religieuse et la fonction de ce personnage impactait la perception de l'humain dans toute sa profondeur et sa compréhension.
La spiritualité chamanique se fonde sur un dialogue avec la nature et l'univers et place l'humain au cœur de cette essence intemporelle, libre, énigmatique et qui constitue ce qu'il me plait de nommer "le monde sensible".
A travers des états de conscience modifiée, le chaman explorait la conscience de la personne souffrante, en effectuait une lecture, une synthèse, pour au final infléchir sur le processus inhérent à ce malaise et à cette souffrance en communiquant sur un mode humain et autrement dit sensible. Quelque part, je prétends que la sensibilité relève d'une science humaine. Cette dernière, en revanche, s’avérerait bien trop subversive au sein de nos actuelles sociétés pour lesquelles une telle conception en la matière pulvériserait tout le cadre de soumission et de cloisonnement requis pour la bonne marche de leur productivité basée sur l'exploitation d'une majorité d'individus par une infime minorité de technocrates, de politiciens et de financiers parvenus.
Dans un ordre d'idées similaire et attenant au chamanisme, il est établi que les individus qui ont vécu des expériences de mort imminente ont vu en quelques minutes le cours de leur existence bouleversé et pour beaucoup d'entre eux, ce bouleversement fut positif en ce sens qu'il suscita la résolution de maints conflits à priori irréductibles.
La double identité "chaman - entrepreneur" par exemple, n'est pas déterminée au hasard à savoir que tout se joue à l'image d'une partie d'échec.
Or, cette partie se joue au sens propre dans le monde parallèle où le chaman de cette manière prend soin d'orienter les pensées de l'élu alors que l'entrepreneur, dans le même laps de temps, se préoccupe de savoir s'il ne sera pas en retard à son rendez vous. Le sens propre de la partie du monde rêvé trouve sa correspondance avec le sens figuré dans le monde réel.
La subtilité propre à la réalisation de ce film réside en cette prémonition très intuitive au départ puis affirmée au cours de l'écriture du scénario et selon laquelle se produit une inversion d'une part des repères et d'autre part du sens, lequel de ce fait cohabite en permanence avec le non sens comme en un effet miroir.
Au cours d'une partie d'échec, le roi ne meurt pas quand bien même se trouve-t-il mat. Tout pareillement et dans le cas où il est le vainqueur, son destin se voit enchainé aux conséquences de cette victoire.
En revanche, en fin de partie, les pions des deux camps demeurent libres.
En cela réside l'enseignement du chaman : "de l'être que l'élu a perdu ne subsiste qu'une image ou encore une énigme et le choix conséquent et logique consiste donc à poursuivre la route que la liberté lui offre jusqu'au jour où à son tour il ne sera plus lui aussi qu'une image soit encore une énigme similaire. Le malheur d'être roi se situe dans l'impossibilité pour celui ci d'opter pour une telle alternative".
Le personnage féminin de la messagère soit l'être que l'élu a perdu nous rappelle que cette partie d'échec se joue entre la profondeur de l'âme et l'émergence de la conscience...
... Soit bel et bien dans le réel, en dépit des apparences, lesquelles ont été fondues en une matière commune par la volonté des réalisateurs afin d'éclairer le récit d'une relation de cause à effet dont l'aboutissement est une perception du réel portée par une acuité affranchie des normes socioculturelles.
Au delà des apparences, le réel est bel et bien tissé d'une multitude d'énigmes pareille à un iceberg dont nous ne percevons que la face minoritaire et apparente dans le cours de notre quotidien.